Ushijima - l'usurier de l'ombre
Découvrez le milieu glauque des usuriers à travers
le quotidien de l’un d’entre eux, Ushijima ! Un manga choc, où la
violence morale côtoie celle des actes !
L'histoire
Comme tous les jours, Ushijima, 23 ans, dirige sa société Buy Buy
Finance où il prête de l’argent à toutes les personnes le sollicitant.
Pour autant, son entreprise n’est pas une banque ou un établissement de
crédit. Il n’est autre qu’un usurier (ou yamikin en japonais), une
personne pratiquant des taux d’intérêt à court terme extrêmement
élevés. Jugez plutôt : 50% en 10 jours ! Ce n’est pas cela qui empêche
les clients de venir, toujours accueillis dans les locaux par une
charmante hôtesse. Ushijima vient d’engager Takada à qui il va
apprendre les rudiments du métier. Il lui explique que toutes les
dettes contractées lui ont toujours été payées. Ainsi, la nouvelle
recrue assiste au défilé de dames laissant leur permis de conduire
contre 30.000 yens (190€), pour aller satisfaire leur dépendance au
patchinko (un jeu de hasard). Ushijima explique alors à Takada
l’importance de ces femmes qui empruntent perpétuellement afin, non
pas, de rembourser le prêt initial mais de retourner jouer. Cela ne
pose évidemment pas de soucis puisqu’il reste à notre yamikin le mari
sur lequel faire pression afin d’être remboursé, et ce, quelle que soit
la façon…
La critique
Le
monde d’Ushijima est impitoyable. Ce grand Japonais habillé comme un
rappeur américain vit dans les marges de la société capitaliste
nippone, et exploite au mieux les laissés-pour-compte de l’économie de
marché. Sur un ton entre polar et réalisme qui fait froid dans le dos,
Shôhei Manabe décrit un monde finalement proche du nôtre, tant il est
facile de se retrouver sur la paille en moins de temps qu’il ne faut
pour le dire. Criblés de dettes, rejetés par tous les organismes de
prêts, les pauvres types surendettés, les femmes gangrenées par le jeu,
les inconscients qui vivent au-dessus de leur moyen, soumis aux lois
cruelles d’une société où l’apparence guide la réussite, n’ont plus
qu’une solution : aller voir Ushijima l’usurier.
D’une noirceur
sinistre, ‘Ushijima’ décrit un monde tenu par l’argent. Intelligemment,
Shohei Manabe ne se contente pas de suivre Ushijima l’usurier, ses
arnaques, sa violence meurtrière et son cynisme implacable. Il place
parfois son point de vue de l’autre côté du miroir, suivant des destins
brisés, qui, pris à la gorge, courent dans la gueule de loup, chez ce
mauvais rejeton du capitalisme qui les pressera jusqu’à plus soif.
Ushijima sait toujours se faire rembourser, et certains passages sur la
prostitution ou l’addiction à la drogue frappent par leur réalisme
clinique, qui prend le dessus sur l’aspect fictionnel du récit. Portée
par un dessin irréprochable, très soigné, cette nouvelle série se
démarque autant par ses qualités formelles que par le sujet qu’elle
traite. Du grand manga.